Back to the Future part 1: The Misfits

     Vous ne m'avez pas vu de l'année, j'étais absent pour chacun des grands événements musicaux qui ont traversé 2012 et voilà que le nouvel an arrive et vous ne savez pas comment repartir du bon pied si Tasca Potosina ne revient pas un peu sur cette année blanche. Je réponds bien humblement à votre demande, parce que je ne pourrais rattraper tout le temps perdu en quelques semaines et parce que j'aime bien ça aussi, il faut l'avouer.

     Ça fait plus de deux ans que ce blog est ouvert, ce qui boucle un cycle de productions musicales. Sans surprises, beaucoup des groupes qui ont trusté les premières places des classements cette année l'avaient déjà fait en 2009 et 2010. Mon propre bilan me fait regarder en arrière pour me souvenir des premiers articles que j'ai publié ici.

     Parce que je n'ai pas été très assidu cette année, et parce que je n'ai pas très envie de fournir un classement, je me contenterais d'une rétrospective en deux parties, qui sera tout aussi satisfaisante je pense, si ce n'est plus. Ne cherchez donc pas d'ordre de préférence, il n'y en pas.






     On commence donc avec les artistes qui n'ont pas fait couler beaucoup d'encre bien qu'ils aient été pour moi les acteurs majeurs de cette année de musique. En véritable leader de cette catégorie on retrouve évidemment Ernesto Violin, qui boucle l'exercice avec deux albums au compteur comme les deux faces d'une même pièce. Un coup de force qui restera dans les mémoires jusqu'au prochain opus – qui devrait tarder un peu plus que d'habitude me dit-on dans l'oreillette. Qu'importe, cela ne fera que donner plus de temps à la masse des non initiés pour que le retour de Viol se fasse sous les feux des projecteurs, car il ne fait aucun doute que c'est ce qui finira par arriver. Autre artiste insulaire sorti de sa tanière pour nous ravir, Troy von Balthazar nous a livré avec ...is with the demon un album à la hauteur de son précédent effort, qui avait déjà eu mes faveurs. La carrière solo de l'Hawaïen commence par dégager une personnalité qu'on soupçonnait à peine il y a deux ans. Ses orchestrations bricolées n'en finissent pas de charmer malgré leur aspect frustre et naïf. Troy continue son chemin sans se soucier d'être quelque part en particulier et c'est une vraie bouffée d'air frais par les temps qui courent.



     Meursault avaient terminé sur la première marche de mon classement il y a deux ans, leur nouvel album Something for the Weakened ne bénéficierait sans doute pas d'une telle reconnaissance mais il n'en a pas moins été la confirmation que l'intensité de leur musique ne s'est pas diluée dans l'atmosphère d'un studio aux moyens plus conséquents qu'auparavant. Ayant perdu le souffle et les grésillements qui donnait à All Creatures Will Make Merry le sentiment de tomber sur un trésor, Neil Pennycock et ses copains ont simplement tout donné pour produire des chansons du même tonneau que celles qui avaient fait le succès de l'album sus-cité. Il en est d'autres qui ne s'arrêteront jamais de bricoler des chansons crados dans leur coin, je parle évidemment de John Dwyer et de ses potes de Thee Oh Sees. Pochette d'une laideur désormais banale, chansons sans détours qui nous restent dans le crâne jusqu'à vous rendre dingue, du delay partout où ça peut passer, on est bien dans un album du groupe san franciscain. Moins garage qu'à l'accoutumée, Putrifiers II lasse également moins vite grâce à une poignée de chansons qui se font très vite une place au panthéon des productions du groupe. Bref, un must-listened.




     Continuons chez ces groupes qui ne changent pas pour parler de Dinosaur Jr, qui n'en finit pas de rajeunir – ou de nous faire rajeunir – depuis sa reformation originelle avec Lou Barlow et J Mascis. I Bet on Sky est un album qui nous ramène tout droit dans les années 90 bien que le groupe ne sonne plus vraiment comme à l'époque. Mais on ne peut nier son plaisir à écouter des chansons toutes guitares dehors avec des qualités mélodiques si évidentes. A chaque année son lot de madeleines, Dinosaur Jr fut de celles-ci en 2012. Barna Howard également, avec son album qui nous rappelle les plus grands standards de folk des années 60-70, sans pour autant sonner passéiste. Il est de notoriété publique -en tout cas en ce qui me concerne- que la folk est un genre intemporel et que quiconque sachant écrire de bonnes chansons et s'accompagner correctement à la guitare me verra le gratifier d'un grand sourire avec mes pouces levés en témoignage de mon enthousiasme. Barna Howard fait encore mieux que ça, alors qu'importe qu'il soit né 40 ans trop tard, son album n'en reste pas moins un bijou du genre.



     Je n'ai entendu personne en parler, pourtant un voyage tel que celui proposé par Jon Porras avec son Black Mesa aurait dû faire parler beaucoup plus de monde. Je n'écoute pas énormément d'albums instrumentaux, mais celui-ci fait de toute évidence partie de ceux qui restent et qui donnent envie d'y revenir malgré la réelle difficulté qu'il peut y avoir à les saisir et à se les approprier. L'ambiance désertique et nébuleuse dégagée par l'album ne saurait laisser vos oreilles indemnes. Dans un autre registre, le Piramida de Efterklang n'a pas connu le même succès que le premier album du groupe danois, paru huit ans plus tôt. Pourtant la préciosité des compositions y est portée à son apogée entre la voix spectrale de Casper Clausen -sic-, les envolées de cuivres et les beats minutieux qui s'entremêlent à chaque chanson. Il paraitrait que Piramida a été composé dans une ville abandonnée au nord de la Russie, peu surprenant tant cet album semble mettre un point d'honneur à remplir chaque centimètre carré de vide dans une pièce pour l'habiller de ses arrangements éclatants. 




     Dans un autre ordre d'idées, 2012 a vu le retour de ces artistes dont on se demande s'ils sont toujours vivants tellement ils semblent faire partie d'une époque révolue ou d'autres dont la carrière semblait au point mort. Pour les premiers d'entre eux, les albums de Bob Dylan et de Neil Young semblent incontournables. Le Tempest du premier est un album dans la lignée de sa discographie depuis Time Out of Mind, sans doute meilleur que celui qui le précédait immédiatement, mais pas à la hauteur des plus récents chefs-d'oeuvre de Bob. Pour autant on peut y trouver son compte avec quelques chansons qui se hissent dans la catégorie de celles qui feront partie d'un futur best-of, au moment de sa mort que l'on espère tout de même la plus tardive possible – ne serait-ce que pour pouvoir lire la suite de ses Chroniques. Neil Young lui, ne semble pas du tout près de passer l'arme à gauche, sa production discographique est toujours florissante et il enregistre à nouveau avec le légendaire Crazy Horse. Psychedelic Pill est un album dans la meilleure veine de ce qu'ils ont pu sortir auparavant, malgré des longueurs et des fautes de goût qu'on mettra sur le compte de la vieillesse. Il subsiste tout de même des morceaux de bravoure dignes des meilleurs live qu'on ait pu entendre.



     La dernière fois qu'on avait entendu Mark Lanegan, c'était pour un troisième album avec Isobel Campbell qui commençait à montrer les limites de la formule. Autant dire que l'écoute de ce premier album solo depuis huit ans avait tout pour provoquer un peu d'excitation. Et le bonhomme ne déçoit pas, enfilant les chansons grandioses comme des perles. La grosse vingtaine d'années de carrière de Lanegan semble s'être condensée sur les parois de ce Blues Funeral dont la variété apparente laisse place à une cohérence qui tourne autour de la seule voix rocailleuse du chanteur. Sa prestation à la Route du Rock a confirmé tout le potentiel de ces chansons, quoi qu’aient pu en dire certaines plumes trop promptes à juger la musique sur quelques lignes lues dans le fascicule de programmation – si tant est qu'elles aient pris la peine d'assister au concert. De même, on n'avait plus vu la gueule masquée de MF DOOM depuis quelques temps, et on n'espérait plus vraiment le voir s'atteler à un projet sérieux. La sortie de Keys to the Kuffs avec Jneiro Jarel sous le nom de JJ DOOM n'en a été que plus frappante. Et c'est la réussite qu'on n'attendait plus : le flow du rappeur est toujours aussi foutraque et traînant, et la production de son poteau apporte une touche de modernité sur laquelle on n'aurait pas imaginé entendre un jour DOOM poser ses rimes. Entendre de la nouveauté de la part d'un des rappeurs les plus inventifs du circuit, voilà qui fait plaisir et qui donne confiance pour l'avenir.


Tous ces albums sont en écoute sur Spotify. 

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