Je est un autre
Je vois bien vos mines ébahies. C'est
vrai que ce n'est pas tellement commun de croiser une chronique de
hardcore ici, et les quelques personnes qui ont eu le loisir de me
lire avant ma triste disparition pourront témoigner : je ne
suis pas vraiment une personne attirée par les extrêmes, je suis
désespérément sans excès, une sorte de modéré maladif. Donc
oui, moi même ça me surprend. Parce qu'autant vous le dire tout de
suite, pour moi le hardcore c'est des chansons de 2 minutes où tout
va très vite, très fort et je ne sais pas si j'ai déjà réussi à
écouter un album en entier. D'ailleurs en y réfléchissant bien, je
suis même sûr que non. Si je n'ai pas encore fait fuir tout le
monde avec cette introduction de critique néophyte peu prometteuse,
j'ajouterais que pour moi, le punk – et le hardcore – n'ont
d'intérêt qu'en tant qu'ils sont des étapes vers des genres plus
riches : le post-punk – et le post-hardcore, donc. Ceci étant
dit, vous imaginez bien que je ne me suis pas rué sur ce dernier
album de Converge, quand bien même j'en avais entendu beaucoup de
bien, qu'il avait une belle pochette, et que je m'étais habitué à
croiser le nom de ce groupe depuis le succès de Axe to Fallil y a 3 ans.
C'est donc l'heure des confidences :
j'aime bien, de temps en temps, me jeter un ou deux litres de
violence dans le cornet, histoire de me ressaisir, de me mettre une
baffe, bref, vous voyez de quoi je parle. C'est ainsi qu'on peut me
croiser de temps en temps dans une période doom, black et autres
sous genres du même acabit. Le moment était venu pour moi de
m'enfiler ma dose, abasourdi que j'étais par tant de choses dont
j'ai oublié l'existence aujourd'hui. Converge donc. C'est nouveau,
il paraît que c'est bien, mais surtout c'est violent. « Aimless
Arrow » commence, et je sais déjà que je ne me suis pas
trompé de boutique. Oui monsieur, c'est bien ici qu'on hurle, qu'on
tire n'importe où, qu'on fait du bruit plus ou moins frénétiquement.
C'est parfait, le son de la guitare est délicieusement saturé, le
chant merveilleusement hargneux, la chanson ne fait aucune
concession. C'est tellement parfait que ce n'est même pas une sorte
de plaisir masochiste que j'y trouve, mais tout simplement un
semblant d'enthousiasme pour tout ce qui sort de mon enceinte.
Les chansons passent, la violence se
fait croissante, et lorsqu'arrive la quatrième je me prépare déjà
à papillonner ailleurs pour y trouver autre chose, violent toujours,
mais autre chose. Parce que mon seuil de tolérance au hardcore pur
et dur reste relativement bas, et puis je pars du principe que je
serais perdu avant d'arriver à la fin de l'album, comme d'habitude.
L'idée me satisfaisait assez. Oui mais cette fameuse chanson est
« Sadness Comes Home ». Au-delà du coup de poing
monumental que je prend face à une chanson d'une telle richesse
mélodique, c'est surtout la surprise de trouver autre chose qui me
frappe. Là où d'habitude mon esprit s'assoupit, se referme face au
déluge de violence, Converge parvient à forcer l'entrée
systématiquement, et ce par tous les moyens possibles. Point de
fuite envisageable, je reste tout à fait éveillé et conscient jusqu'au
bout. Et mon enthousiasme est à présent paroxysmique, chaque début
de morceau étant un comble d'excitation et de satisfaction. Et la
simple sensation d'avoir une quinzaine d'orgasmes à la suite fait de
l'effet à un homme, je n'ai pas besoin de vous convaincre. Comme disait l'autre, « on est puceau de la violence
comme on l'est de la volupté ».
All We Love We Leave Behind est
simplement le remède à ma maladie. Moi qui était incapable de me
faire violence franchement, qui préférait fuir avant le début des
hostilités, voilà qu'on me sort un condensé de tout ce que la
musique électrifiée a produit d'extrême et de brutal. Voilà
qu'on appuie simultanément à des endroits que je pensais trop
éloignés, comme dans ce fabuleux « Glacial Pace » qui
contient à peu près tout ce que je suis susceptible d'aimer écouter
à fort volume. Et me voilà finalement à écouter en boucle ce
qu'autrefois j'avais du mal à écouter d'une traite. Malgré son
dogmatisme hardcore intact dans l'attitude, Converge parvient à
être moins hermétique que n'importe quel autre groupe évoluant
dans la même sphère. On peut invoquer leur faculté à intégrer
des éléments venus de partout pour étoffer leur palette musicale - peu étonnant vu leur nom,
mais je crois qu'il faut surtout voir dans cet album la réunion de
talents indéniables. D'un point de vue technique bien sûr, le jeu
de Kurt Ballou est hallucinant de justesse et tous les membres se
mettent au diapason, mais les chansons elles-mêmes sont d'une
qualité et d'une richesse remarquable. Il ne s'agit pas de dire que
Converge est un groupe très innovant - je doute qu'on puisse l'être
vraiment dans ce genre de musique – et ce n'est pas tellement leur
audace qui suscite l'admiration. Non, bêtement, All We Love We Leave
Behind n'est composé que de bonnes chansons. Je me surprends moi
même à parler de la qualité du songwriting d'un album de hardcore,
mais une chanson comme « Coral Blue » flirte avec le
tube, et l'enchaînement « Precipice »/« All We
Love We Leave Behind » est absolument épique. Et je ne cite
pas les chansons les plus hardcore qui redonnent le coup de fouet qui
fait repartir le convoi toujours plus vite.
Encore ahuris, vous êtes
resté bloqués sur le choc de me lire parlant de Converge. Cette
ordalie était nécessaire pour que les plus méritants comprennent
mon retour. Tel James Bond, la résurrection est pour moi un loisir,
mais après cet article vous aurez compris que cet endroit ne sera
plus simplement le troquet où l'on donne son avis sur les sujets à
la mode, mais plutôt un tripot. Bordélique, informel, sujet à
fermeture. Souhaitez la bienvenue au Tasca Potosina 2.0.
Ça fait plaisir de lire quelque chose ici ! J'aurai parié sur un retour avec Bowels mais non, Converge, dans un tout autre genre.
RépondreSupprimerTu étais manifestement un lecteur avisé de ce blog auparavant, donc je suis content que tu aies remarqué mon retour. Sinon oui, Bowels finira par arriver, mais je ne me suis pas encore penché sur un texte à sa mesure. Ça ne saurait tarder cependant. Je suis un peu rouillé, il me faut plus de temps pour savoir ce que je vais écrire et sur quoi.
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